Félix Peaucou nous rapporte les circonstances dans lesquelles il établit le record français d'altitude en cerf-volant : "Toul marqua la période la plus active et la plus brillante pour les cerfs-volants militaires Français. C'est en effet sur le territoire de Toul que le record d'altitude français fut atteint par mon ascension à 650m effectuée le 17 avril 1914 à Villey-Saint-Etienne, situé à 25 km de Toul.
     
La journée s'annonce par un grand vent. Le treuil est solidement ancré au sol. Et le cerf-volant "pilote" envoyé dans l'azur clair, net de tous nuages.

Successivement, quatre éléments sont envoyés en postillons et rejoignent le "pilote", un train de cinq appareils se trouve ainsi formé.

Des appareils remorqueurs et la nacelle avec ses agrès de suspension sont alors amenés derrière le treuil ; J'ai déjà en mains l'appareil photographique ; les équipes sont à leurs postes aux cordes de manœuvres ; tout est prêt pour la montée.

Le lieutenant Cholley me donne l'ordre de grimper dans la nacelle. Le vent m'emporta rapidement loin du treuil et du sol. J'entendais avec plaisir le bruit régulier des galets de la suspension métallique roulant sur le câble porteur et le sifflement du vent dans les agrès. Je me sentais environné de ce souffle puissant qui m'éloignait de plus en plus du sol.

Les choses rapetissaient vertigineusement et maintenant je découvrais entièrement le fond de la vallée, la Moselle avec toutes ses courbes, et à perte de vue les coteaux, les forêts et tout ce qu'elles cachaient : ouvrages militaires, forts, etc… Il ne m'avait jamais été donné de faire une si brillante ascension, aussi régulière, aussi rapide et à une telle hauteur.

Je m'en rendais pleinement compte. J'étais tellement à mon rêve, j'éprouvais une telle sensation de bonheur que je ne pensais même pas à me pencher pour tenter de voir ce que marquait le baromètre enregistreur qui était fixé en dehors de la nacelle.
 
J'étais obligé d'enlacer de mes bras les suspentes de nacelle pour ne pas être vidé, car j'avais l'appareil photo (lequel était assez lourd) ; suspendu dans le vide à bout de bras, mes mains n'étaient par conséquent pas libres et je devais attendre la seconde précise d'accalmie qui me permit d'appuyer sur le bouton.
     
Bientôt j'entendis de nouveau le bruit des galets, mais ceux-ci ne tournaient plus dans le même sens et je me rendis compte aussitôt que le lieutenant me faisait ramener à terre.

En arrivant au sol, je vis des figures rayonnantes. Mon ami Donzella sauta sur le baromètre et clama : "650mètres ! C'est le record français de hauteur en cerf-volant ! Tu as battu le record mon vieux Peaucou !".

J'avais sauté de la nacelle et j'essayais de me tenir d'aplomb sur le sol ; il me semblait que je marchais sur du coton et que j'étais ivre. J'étais, paraît-il, très pâle.

L'ascension avait duré environ quarante-cinq minutes, temps pendant lequel je n'avais cessé d'être balancé ou secoué en tous sens et ce roulis-tangage m'avait un peu porté au cœur. Je ne désirais qu'une chose : remettre cela.

[...] Qu'on se figure, en effet, cet étroit panier, arrivant à peine à la ceinture et pendu à un fil d'acier à peine gros comme un crayon de calepin.

Qu'on se l'imagine à une hauteur dépassant plus de deux fois la tour Eiffel
 
On ne s'en rendait guère compte dans la nacelle, mais c'était d'en bas que l'effet était le plus impressionnant, lorsque celle-ci n'apparaissait plus que comme un point minuscule perdu dans le ciel avec les points blancs des cerfs-volants un peu plus à l'écart et encore plus élevés. En conclusion, j’eus la joie de constater l’heureux résultat obtenu de mes prises de vue. Malgré l’instabilité de ma position là-haut ce fut une parfaite réussite et j’en fus félicité.