Tradition du Cerf-Volant dans le Monde
 
Plus qu’un jouet de plage pour les enfants, le cerf-volant est dans de nombreux pays une véritable tradition, qui accompagne la vie quotidienne et les grands évènements.
"Si l'on consulte des annales historiques, on voit que le cerf-volant a une longue histoire, mais quant à savoir qui en fût l'inventeur on ne trouve en fait rien de précis..." Ainsi parlait Cao Xuequin ("Faucons du Sud, Milan du Nord" -1757 - Chine).
 
  CHINE NEPAL INDE AFGANISTAN COREE JAPON INDONESIE MALAISIE  
   
  THAILANDE CAMBODGE VIETNAM BRESIL BOLIVIE CHILI COLOMBIE GUATEMALA CURACAO  
 
Tout au long de notre voyage nous suivrons le fil de nos cerfs-volants. Nous avons été surpris par la diversité des cerfs-volants à travers le monde, de par leur conception (matériaux, formes..) et leur symbolique.
Nos amis cerfs-volistes du Bout du Monde, rencontrés lors des festivals, et notamment à Dieppe, nous ont fait découvrir au travers de leurs récits, les légendes et traditions du cerf-volant dans leur pays. Nous souhaitons partager leurs histoires avec vous en attendant de les vivre avec nous pendant notre voyage.
 
 
CHINE
Le cerf-volant est très certainement né en Chine, mais il est difficile de déterminer sa date de naissance, tant il est difficile de dissocier l'histoire et la légende.
Quelles que soient les thèses de son origine, c'est au vent que revient le mérite de cette découverte. On raconte, à ce propos, que le chapeau d'un fermier chinois emporté par le vent a contribué à la création du premier cerf-volant.

Vers 190 av.J.C. certains cerfs-volants servirent la cause militaire. Equipés de systèmes sonores (harpes éoliennes vibrant au vent) ils terrifièrent les troupes ennemies.

Une autre histoire chinoise célèbre parle du Général Han Hsin, qui assiégeait un palais en 196 av.J.C. Il utilisa un cerf-volant pour évaluer la distance entre ses troupes et les murs du palais. Puis il fit construire un tunnel et put ainsi envahir le palais.

Aujourd’hui, en Chine, ils sont toujours composés de bambous et de soie peinte, leurs motifs sont des symboles traditionnels mais proches de la vie quotidienne et bon nombre d'animaux peuplent le ciel chinois.
     
Li Ruo Xin (Bei jing) nous a expliqué quelques symboles. Aujourd’hui nous ne savons toujours pas comment nous nous sommes compris, nous ne parlons pas du tout la même langue !

Le crabe détourne le mauvais sort, la chauve-souris représente le bonheur parfait, les poissons : l'harmonie du couple.

Quand l'hirondelle est "maigre" elle représente la féminité, si elle est "grasse" c'est la longévité, offerte aux garçons. Le dragon dont la légende raconte qu'il serait capable de faire venir la pluie, est symbole de puissance. Il est souvent porteur d'une barbe rouge (forces surnaturelles).

Art populaire de plus en plus pratiqué, le cerf-volant a, pour les chinois, des effets bénéfiques sur la santé, et reste une forme d'expression de liberté.
En 2004, Patrick a appris, sous l'oeil intransigeant de notre ami chinois Wang Zhushan (Yantai) à fabriquer un aigle en bambou. (photo de gauche)

Au bout de 4 jours, il est devenu un véritable ouvrier chinois sous les ordres du « Maître » : travail, travail et pas manger beaucoup …

Pour fabriquer ces superbes animaux volants, il y a trois étapes : confectionner l'armature en bambou (le squelette), coller la soie ou le papier sur l'armature et le peindre.

Une fois le vernis de l’écorce retiré, le bambou est taillé puis courbé grâce à la chaleur (lampe à alcool par exemple). En refroidissant, il garde la forme donnée. Le bambou est ensuite fendu en deux afin d’obtenir une symétrie parfaite, (par exemple les ailes droite/ gauche
 
sont faites en un seul morceau) indispensable pour un vol stable. Puis les différentes pièces sont ligaturées et collées. On obtient ainsi l’armature du cerf-volant, son squelette. Pour les cerfs-volants en soie, celle-ci est humidifiée puis tendue et collée sur l’armature. En séchant, elle se rétracte et épouse parfaitement le squelette.
 
 
NEPAL
 
Nous avons rencontré Nirma Man Tuladhar qui nous a raconté qu’au Népal le cerf-volant est associé à une grand fête : le Daisain.

C'est le festival de la moisson, qui est célébré pendant la récolte du riz, en l'honneur de la Déesse Durga. Toutes les castes et toutes les croyances, hindous et bouddhistes célèbrent cette fête.

Selon une croyance "avec le cerf-volant on envoie des messages aux dieux : la récolte du riz est terminée, ils peuvent donc faire cesser la pluie". A cette saison, le climat est agréable et le ciel dégagé. C'est le moment le plus propice au cerf-volant. La saison dure un mois et prend fin pour "Tihar", le festival de la lumière.

Les cerfs-volants népalais sont nommés Malay, "en forme de diamant". Ils sont richement décorés, avec des motifs de l'architecture et de la culture népalaise. Ils sont faits de bambous et de papier. Le papier artisanal, le "Lama Li", est l'un des plus beaux du monde. Il est fabriqué à partir d’une plante appelée "Lokta".
 
Ce papier est robuste et permet de construire des cerfs-volants résistants aux vents forts et à l'humidité. Mais il possède surtout une transparence qui permet de voir la beauté de sa structure formée de longues fibres entremêlées. (photo de droite : détail d'un motif sur papier d'un cerf-volant népalais par Nirma Man Tuladhar)
Le fil de retenue du cerf-volant est rendu très abrasif avec de la poudre de verre. Durant Dasain, les toits des grandes villes sont couverts de cerfs-volants et pendant les combats, les pilotes crient "Cét" quand ils coupent le cerf-volant des autres.
 
 
INDE
   
Continuons notre balade en Asie, et plus particulièrement en Inde avec Abdul Rauf (Mumbai). Les Cerfs-Volants en Inde datent des invasions Monghols (musulmans). C’est pourquoi, aujourd’hui encore, ce sont les musulmans qui les fabriquent.Le cerf-volant a toujours eu une place privilégiée dans l’histoire de l’Inde, c’est une culture qui touche toutes les couches de la société. C’est d’ailleurs l’un des rares rassemblements de toutes les communautés indiennes.
   
 
On peut trouver des cerfs-volants dans toute l’Inde, mais certaines régions sont plus impliquées : l’Uttar-Pradesh pour les Patang Wallah (fabricants de cerfs-volants) et les Manjha Wallah (fabricants de fil coupant). Notre ami Abdul est reconnu comme « Ustad Patang Wallah », c'est-à-dire qu’il excelle dans la fabrication de ses cerfs-volants.
Les Patangs sont faits à partir de bambou et de papier indien. Ils sont rapides et maniables. Le fil coupant, la « Manjha », est fait de verre pilé, de gomme, de pâte de riz cuit et de colorant. Ce mélange est ensuite enduit sur du fil de coton tendu entre deux poteaux. (photo en ahut à droite)

Certaines régions sont réputées pour leur rencontre, comme le Rajhastan avec le festival de Jodhpur et le Gujarat et son festival d’Ahmedabad. Dans les jours qui précèdent le festival d’Ahmedabad, les ateliers de fabrication sont en effervescence. En une journée de seize heures, quatre ouvriers peuvent fabriquer jusqu’à 5 000 patangs.

Le jour du « grand combat », des familles entières se massent sur les toits des maisons avec des piles de cerfs-volants et de la Manjha de toutes les couleurs. Elles sont prêtes pour tenir jusqu’au coucher du soleil. Le combat de patang consiste à couper le fil de l’autre et rester le dernier en vol : Festival à Ahmedabad en 2004

Faire voler un cerf-volant de combat c’est assez simple. Patrick et moi prenons beaucoup de plaisir à les faire évoluer. Participer à un combat c’est autre chose… Même avec les conseils de Dilip (Mumbai) et les cours de Ludovic Petit … ce n’est pas gagné !

   
 
 
AFGANISTAN
 
Le cerf-volant afghan est appelé "Goudi Parân" (littéralement Poupée volante). En Afghanistan, on jouait au cerf-volant les vendredi (jour de congé hebdomadaire) et seulement l'hiver (période des vacances scolaires). Chaque quartier, chaque ruelle avait son champion. Dès le vendredi matin, les Goudi Parân Bâz (pilotes) montaient sur les terrasses des maisons et une multitude de cerfs-volants prenait alors leur envol. Lorsqu'un Goudi Parân était libéré de son attache, des cris de joie saluaient le vainqueur, mais les Goudi Parân Bâz savaient que la victoire est toujours éphémère.

Une équipe se compose de deux personnes : le Goudi Parân Bâz, qui est le pilote du cerf-volant, et le Charka Gir qui est responsable de la bobine. Les enfants ne sont pas les seuls à se passionner pour le cerf-volant, beaucoup d'hommes pratiquent les combats avec le fil coupant appelé "Tar-é-shisa". Il est enduit d'un mélange de poudre de verre et de pâte de riz gluant et enroulé sur une bobine : le Tarcharka. Il n'y avait pas de compétition officielle, mais les Goudi Parân Bâz organisaient eux-mêmes les tournois et les paris.

Les petits cerfs-volants pour les enfants étaient appelés "Patingak" (petit papillon) ou "Mahibak" (petit poisson).

Mais après dix ans d'affrontement contre l'URSS, suivis d'une profonde guerre civile et éthnique, les habitudes ont été bouleversées. Pire encore, les talibans arrivés au pouvoir ont carrément interdit la pratique du cerf-volant, (le 7ème des 16 commandements taliban) tout comme beaucoup d'autres jeux d'enfants, considérant que c'était néfaste à l'étude du Coran. Selon la règle Taliban, si vous étiez attrapé avec un cerf-volant, vous étiez battu et la bobine était détruite.

Cependant, depuis la chute du régime Taliban, le Gudiparan Bazi refait de nouveau surface. Voir notre reportage sur les "Cerfs de Kaboul" (Kite Runner")
   
 
COREE
 
De l’autre côté de la Chine, en Corée, existent aussi des combats de cerfs-volants. De tous temps, les cerfs-volants coréens (yeon) furent utilisés par les chefs de guerre pour transmettre des messages codés.

Il y a plus de 400 ans, pendant l'invasion de la Corée par le Japon, un amiral se servit de cerfs-volants pour communiquer avec ses soldats. Leurs dessins et leurs couleurs, parfaitement codifiés, informaient les troupes sur l'évolution des combats et transmettaient ainsi les ordres d'opération. Il furent particulièrement utilisés lors du conflit à bord du navire de guerre coréen le Keobuk-Seon  ou "Turtle boat". Mais ce procédé de communication a pourtant ses limites d'utilisation lors de mauvaises conditions climatiques (brouillard, pluie, neige etc.).

Aujourd’hui encore les cerfs-volants coréens sont porteurs de messages : à la naissance d’un enfant on peut inscrire son nom sur le cerf-volant et le laisser s’échapper dans le ciel. Ainsi tous les mauvais esprits sont emportés par le vent.

Les cerfs-volants coréens se reconnaissent facilement : ils sont rectangulaires, avec une armature en bambou, collée sur du papier, et un trou au milieu.

Ils volent sans queue et doivent leur stabilité au dièdre donné en cintrant la vergue. Ils ont un vol très vif. Pour les combats, les fils, enduits d'un mélange de résine et de poudre de verre ou de poudre de diamant synthétique, sont rendus très abrasifs.

Il y a quelques années, nous avons profité de la présence de cerfs-volistes coréens chez Ludovic Petit (Manjha Club) pour fabriquer un Bangpae yeon.
   
 
JAPON
   
Chez leur voisin japonais, les lignes sont traditionnellement en lin, on n'utilise pas de corde abrasive pour le combat. Le Rokkaku, cerf-volant de combat est orné traditionnellement de têtes de guerriers très expressifs.
   
Là aussi, les règles du combat sont simples : le dernier en vol est déclaré vainqueur. Le combat de Rokkaku est devenu un incontournable des festivals. Nous avons participé à de nombreux combats et Patrick en a remporté quelques uns.

Ces joutes datent de plus de 200 ans. L'origine de ces combats remonterait aux luttes pour le pouvoir que se livraient les propriétaires de rizières. Les Rokkakus étaient lancés de chacune des deux rives et volaient au dessus de l'eau. Le piétinement des équipes sur les rives, au moment du décollage, avaient pour effet bénéfique de consolider les berges souvent inondées lors des pluies torrentielles.

Au début, seuls les samouraïs aisés pouvaient construire des cerfs-volants en papier et bambous. En effet le papier était cher. Plus tard le cerf-volant devient plus populaire grâce à de nouvelles techniques de fabrication du papier moins coûteuses.
 
C'est l'époque Edo. C'est aussi l'apogée du cerf-volant. Parmi d'autre cerf-volant connu, le Edo, (photo ci-dessus) qui tient son nom de l'ancienne appellation de la ville de Tokyo. De très longues brides stabilisent son vol. Ils sont peints à la main et représente des scènes avec des guerriers , des acteurs populaires de théâtre ou bien des calligraphies.
 

Chaque région a adopté des formes spécifiques de construction et de décoration de ses cerfs-volants.

Le Hamamatsu vole à l'occasion de la fête des garçons, au mois de mai, pour leur souhaiter santé et réussite. Ces grands cerfs-volants portent l'emblème du quartier, de la famille, et en plus petit dans une sorte d'éventail jaune le nom de l'enfant. Celui-ci, porté sur les épaules de son père, est présent lors de l'envol du cerf-volant et reçoit les honneurs de la foule.

Pour nous, le plus impressionnant est le O-Dako (O : grand, Dako : cerf-volant). Leur fabrication est assez unique. Pour un O-Dako de 100 tatamis (13 mètres de haut sur 12 mètres de large), il faut 18 litres de colle de riz, 50 bambous de 18 cm de diamètre et 360 mino-washi (feuille de 90 x 60 cm).

Il vole essentiellement le 4ème dimanche de mai pour fêter le passage de l'enfance à l'âge adulte. A cette occasion les enfants collent au dos du cerf-volant des "étiquettes de voeux" ou "negaïfuda", sur lesquelles ils ont rédigé leurs souhaits pour le futur. Le cerf-volant est chargé de les porter à l'attention des divinités célestes.

Roulé comme un tapis (nagamki-koho), le cerf-volant est amené sur le terrain puis déroulé sur une grande bâche. De lourds bambous sont alors fixés pour compléter l'armature. (photo de droite)

Pendant ce temps, un autel garni d'offrandes est installé prés du O-Dako et le prêtre Shinto psalmodie ses prières.

 
Puis il saisit son tambour et le martèle lentement pour annoncer l’envol. Le cerf-volant est cintré. Un long coup de sifflet retentit. C'est le signal ! Des perches en bois redressent le cerf-volant face au vent et le géant de 200 kg prend son envol
 
 
INDONESIE
     

En continuant notre périple asiatique, nous vous emmenons en Indonésie.

Cet état insulaire s’étend sur 5 000 Km. La diversité des cultures, l’isolement naturel des différentes îles qui la constituent, ont favorisé la naissance de nombreuses formes et variétés de cerfs-volants.

Sur l’île de Java et dans la région de Bandung, le ciel est envahi chaque soir par les cerfs-volants de combat appelés "Layang-Layang". Ils sont fabriqués avec du bambou local et du papier de soie.

Les bobines sont fabriquées en plastique ou avec des boites de conserve entourées de papier journal pour les plus pauvres.

Autre cerf-volant, le kaghati est entièrement réalisé avec des feuilles de manioc que l’on trouve sur l’île de Sulawesi. Les ficelles sont faites avec des fibres d’ananas tressées.

Dans cette île indonésienne, les paysans se servent de ces cerfs-volants pour leurs récoltes. Installés dans les champs au moment des semailles, les kaghatis sont équipés d’un arc sonore pour effrayer les oiseaux.

A Lombok et dans les régions du sud-est de Sulawesi, des pécheurs utilisent les feuilles de Kolaka (sorte de fougère qui pousse sur le toit des maisons) pour la pêche au cerf-volant.
Cette technique de pèche présente l’avantage de ne pas éveiller la méfiance du poisson, le pécheur sur sa pirogue étant à bonne distance de l’appât.
 
 

Les cerfs-volants de Bali sont pour nous les plus impressionnants de par la beauté de leur réalisation, la grâce de leur vol dans les airs.

Ils font partie de la vie sociale, culturelle et religieuse, on trouve leur origine dans la mythologie hindoue.

A Bali, chaque quartier a son Banjar constitué de familles qui s’entraident pour la construction d’une maison, la réparation d’un temple, et bien sûr pour la création de cerfs-volants en bambou et coton. Impossible de les rater : durant la saison, de juin à août, le ciel est à eux.

Le Janggan a une tête de dragon et un corps qui représente un oiseau, avec une queue rouge, blanche et noire, symbole de la vie, du bien et du mal. (photos droite et gauche).

     

Le Be-Bean, (photo ci-dessus au centre) vole en imitant la nage du poisson. Il est muni de deux arcs sonores.  Le moment de l’envol est magnifique, les cerfs-volants occupent le ciel, le public enthousiaste encourage les équipes et les enfants jouent avec des petits cerfs-volants qu’ils se sont fabriqués. Après le festival, les cerfs-volants sont exposés dans leur ville ou leur village. La construction commence déjà pour la prochaine édition. A Sumatra les cerfs-volants sont proches de leurs cousins malaisiens et thaïlandais

 
 
MALAISIE
   
En Malaisie, le cerf-volant a le statut d'emblème national. On le trouve sur les pièces de monnaie, les timbres et même sur le fuselage des avions de la compagnie aérienne nationale, dont la décoration n'est autre qu'un cerf-volant stylisé. Les Wau, du nom hollandais Wouw (grand oiseau de proie de l'Asie du sud-est), sont fabriqués en papier et bambou.
   
Le papier est découpé en dentelle. Les feuilles ainsi travaillées sont collées les unes sur les autres avec de la colle de riz. On obtient ainsi un effet vitrail.

Ils sont pour la plupart munis d'un arc sonore, constitué d'une fine lanière de palme tendue sur un bambou flexible.

La Malaisie a été envahie pendant une grande partie de son histoire. On retrouve ainsi dans ses cerfs-volants toutes les influences culturelles qui ont séjourné sur son sol : les chinois ont apporté la qualité du travail du bambou, les indiens la transparence et l'équilibre de la voilure, tandis que les décorations sont d'origine islamique.

Le cerf-volant malais est une merveilleuse synthèse de tous les arts et savoir-faire orientaux.

Le Wau Bulan (cerf-volant lune) est le plus populaire. Il est fabriqué dans le nord-est du pays. Son dièdre naturel lui procure un très bon
 
aérodynamisme. Tout comme le Wau Kuching (cerf-volant chat) ou le Wau Jalabudi (cerf-volant femme), ses motifs représentent des fleurs et des feuilles. La partie supérieure du cerf-volant est nommée "Sayap". Elle comprend deux yeux "lelok" et une tête "kepola" ornée de franges "belaki". La partie inférieure "punp pong" a des pompons "jambul".
 
 
THAILANDE
 
En Thaïlande, dans les combats-compétitions, le sexe du cerf-volant a son importance, puisqu’il existe des cerfs-volants mâles « Chula » et des cerfs-volants femelles « Pakpao ».

Le Chula (photo de droite) est un grand cerf-volant d’une longueur minimum de 2m25. Sa silhouette est celle d’une étoile à 5 branches et il est doté de 3 jeux de crochets de bambou, attachés à sa corde pour attraper la femelle.

Le Pakpao, à l’image de la femelle qu’il représente, apparaît fragile, taillé en forme de diamant et mesurant 75 cm au maximum. Sa défense réside dans sa facilité de manoeuvre et dans une boucle de cordage fixée sous sa ligne de vol. Il porte aussi une longue queue qui lui permet de se saisir de son adversaire et de l’enrouler.

Dès 1906, sous le règne de Chulalongkorm, la première « Coupe Royale » se déroula au Palais Dusit. Le roi présida la compétition, qui devint sport national. Les rois qui se succédèrent avaient coutume d’engager leur Chula contre le Pakpao manié par leurs courtisans sur l’esplanade Phramane, en face du Palais Royal, là où les combats se déroulent encore actuellement.

Les membres du Thai kites Heritage Group (photo de gauche) expliquent les règles de ce combat :
 
Le terrain est divisé au milieu par un cordage. Le territoire du Chula est placé au vent. De là le grand cerf-volant est lancé dans le territoire des Pakpao. Le combat consiste pour le Chula à attraper une ou plusieurs femelles avec ses crochets de bambou et la ramener dans son territoire. Il faut 10 hommes pour manoeuvrer un Chula. Pour le Pakpao, il s’agit de s’emparer du mâle avec sa boucle de cordage ou sa queue pour le déséquilibrer et le précipiter à terre. Manié par des experts, le charmant petit Pakpao constitue un adversaire redoutable pour le Chula.
 
 
CAMBODGE
 

Depuis plusieurs années nous retrouvons avec plaisir la délégation cambodgienne lors du festival de Dieppe, (photo de gauche) avec Sim Sarak, directeur des services administratifs du ministère de la Culture, et son épouse. Sim Sarak est aussi à l’origine du retour en 1994 du festival de cerfs-volants au Cambodge.

Au temps de l'ancienne civilisation Khmers, du IX° au XII° siècle, le cerf-volant était utilisé, comme souvent en Asie, à des fins religieuses. La cérémonie du Klèng (cerf-volant cambodgien) fut pratiquée jusqu'à la mort du roi Ang Duong en septembre 1859. Lors de la pleine lune de novembre, le roi faisait venir des bonzes au palais. Ceux-ci à la nuit tombée et après avoir pris leur repas, lançaient les cerfs-volants aux esprits célestes.

Puis les Khmers Rouges ont interdit l’utilisation du cerf-volant. Le pays fut placé dans un véritable chaos et tout ce qui était destiné aux jeux a été supprimé.

Depuis la libération on voit de nouveau les cerfs-volants voler pour la plus grande joie de tous. Aujourd'hui, on les fait toujours voler dès novembre, après la récolte du riz, quand les greniers son pleins.

Les villageois construisent leur cerf-volant en groupe. L'armature est en bambou. Il faut plusieurs heures pour la construire. Elle demande habileté et patience.

 
La voilure est en papier (journal, sac de ciment, ...). L'arc sonore, nommé " èk ", est en rotin. Il est fixé sur le haut du cerf-volant. Un bon arc sonore émet plusieurs tonalités et chaque cerf-volant émet un son différent. Les paysans les font voler surtout la nuit pour écouter le chant des arcs sonores. En fonction de leur vol, les bonzes augurent de la sécheresse ou des pluies pour l'année à venir. Un peu plus sur les légendes du Klèng
 
 
VIETNAM
 
Nous terminerons ce périple asiatique par le Vietnam. Le cerf-volant musical traditionnel est muni de résonateurs en bambou, percé de trois trous, l’un à l’avant et les deux autres aux extrémités. Le plus caractéristique est le "Dieu Vang". Il est de forme elliptique et vole sans queue.
 
Monsieur N’Guyen Van Be explique que lorsqu’ils montent dans le ciel, par grand vent, ces cerfs-volants vietnamiens chantent.

L’air s’engouffre dans le résonateur et produit un son plaintif qui s’entend de loin. Les résonateurs sont souvent superposés, au nombre de trois ou quatre (photo de droite) et même jusqu’à huit. Ils donnent alors un son plus grave.

Ils sont l’objet de croyances religieuses ou de superstitions et peuvent conjurer les mauvais esprits.

Les cerfs-volants contemporains sont fortement inspirés des modèles chinois : papillons, oiseaux, poissons, dragons (photo de gauche), chauve-souris … avec des couleurs plus vives mais moins de finesse dans les détails.
     
 
BRESIL
 
Changeons de continent. Papalote au Mexique, Barilete en Argentine et au Guatemala, Volantin au Chili, Papagayo au Nicaragua, Papelote au Honduras, ou encore Cometa dans de nombreux autres pays d’Amérique du Sud (Colombie, Cuba, Equateur, Panama, Pérou, Uruguay...), le cerf-volant est très populaire en Amérique Latine. Chaque pays d’Amérique centrale et du Sud a ses propres traditions.

Au Brésil, le Pipas, cerf-volant de combat, a une forme pentagonale, avec une pointe vers le bas. Il est fabriqué avec du papier de soie, des baguettes et du fil de coton. Contrairement aux autres cerfs-volants de combat comme le coréen ou l'indien, le pipas a une longue queue, appelée rabiola, faite d'un seul fil sur lequel on fixe des bandelettes de papier ou plastique.

Le fil coupant est fabriqué directement par les brésiliens avec du cérol (mélange de colle et de verre pilé). Ce fil rendu ainsi très abrasif est la cause, chaque année, de graves blessures. Le gouvernement brésilien mène actuellement une campagne contre l'emploi du cérol.

Le véritable territoire des Pipas: les faubourgs des villes et plus particulièrement dans les favelas surpeuplées, où les enfants des rues n'ont qu'une seule règle : "Couper tout ce qui vole". Aujourd'hui, les cerfs-volants servent encore de signaux codés pour les prisonniers ou les trafiquants de drogue dans les favelas.
 
 
CHILI
 
Nous avons la chance d’avoir pour ami Henry Prat, il connaît bien les cerfs-volants de combats d’Amérique du Sud. Il aime d'abord et par dessus tout préparer ses volantines, bien les choisir et les brider en fonction du vent, les essayer avant le combat et les "sentir" pour tirer de chacun le meilleur.

Il explique que c'est vers la fin du 19ème siècle que des curés auraient lancé la pratique du cerf-volant de combat au Chili, d'où le nom de "fil curé". Sa fabrication depuis est devenue quasi industrielle et fait vivre de nombreuses familles à travers le pays.

Il est fait par un procédé dit "separado" (séparé). Le fil est d'abord trempé dans de la gelée industrielle chaude, passant ensuite à travers la poudre de quartz (le must).

Le 18 septembre, le "Dia de la Patria" est la fête nationale, un jour de grande ferveur pour tous les chiliens. Tout le mois qui précède, il est de tradition d'acheter du fil et des "volantines" pour aller combattre en famille. On voit alors le ciel de toute la ville devenir un vaste "champ de bataille".

Les bobines sont appelées "carretes" (photo de gauche : bobine). Le fil de coton indien, enduit de poudre de quartz, se charge directement sur le carrete du client.

Les baguettes des volantines sont de "coligue" (prononcer coligoué), ça a l'aspect du bambou mais n'en a pas les qualités mécaniques.
 
 
COLOMBIE
 
En Colombie, la tradition des cerfs-volants ne date pas de l'invasion des espagnols comme on l'a longtemps cru, mais les indiens s'en servaient déjà avant leur arrivée.

Les cerfs-volants colombiens sont fabriqués avec du bambou ou du " Yaripa " qui est une plante de la famille des bambous, cannes à sucre et maïs. Ce mot vient de la langue des indiens.

Le cerf-volant est plat avec une queue. Sa construction se fait en famille. Traditionnellement, le fil de retenue, appelé "cabuya", est une tresse de deux ou trois brins de fibre naturelle, la " fique ". Pour faire la queue du cerf-volant, les colombiens utilisent des petits morceaux de vieux vêtements découpés, qu'ils tressent avec la "cabuya".

Le cerf-volant est un loisir populaire. Faire voler un cerf-volant en Colombie est une véritable expédition car toute la famille participe. Souvent le dimanche, parents et enfants partent pique-niquer puis vont faire voler leurs cometas.

«Nos cerfs-volants sont très colorés et les dessins qui les ornent, très représentatifs de nos cultures régionales ». Inès, de l’Association Yaripa
 
 
GUATEMALA
 
D'après une légende traditionnelle, il y a très longtemps, le cimetière de Sumpango, Guatemala, était envahi, le jour des morts, par des esprits malins qui venaient molester les bonnes âmes des défunts. Aujourd'hui, les " barriletes " (cerf-volant guatémaltèque) symbolisent des fenêtres destinées à communiquer avec les morts, chaque année, le jour de la Toussaint.

Les cerfs-volant géants de Sumpango peuvent atteindre un diamètre de 15 m. Exposés, ils surplombent la foule, mais ce sont d’autres plus modestes qui prennent leur envol, leur taille varie entre 6 et 13 m. et leur poids entre 100 et 150kg. L’envol de ces cerfs-volants est impressionnant, et demande précision et rigueur.

La fabrication commence 2 mois avant le festival du 1er novembre. Ils sont construits avec délicatesse et application. Ils résultent d’un heureux mélange de techniques artisanales, de sens de l'équilibre, de couleurs, de savoir-faire et de folklore issus de la tradition.

Les scènes racontent leur vie : l’agriculture, l’économie, les enfants, l’école …. Pour les habitants de Sumpango, d'origine Maya cakchiquel, la fête des morts est devenue aussi l'occasion d'afficher sur leurs cerfs-volants, leur volonté de défendre les valeurs de la Culture Maya.

   
On peut lire sur ces Géants "ils ont arraché nos fruits, ils ont coupé nos branches, ils ont brûlé notre tronc, mais ils n’ont pas pu tuer nos racines!"

« Tout enfant vit une grande relation avec son cerf-volant. C’est plus qu’un jeu, ça fait partie de nos racines, de notre culture. C’est un ami qui aide souvent à mieux vivre » nous explique Rafael Coyote Tum, directeur du centre d’apprentissage Maya.

Il faut 45 jours consécutifs à un groupe de 35 personnes, à raison de 6 heures par jour, pour construire un cerf-volant dépassant 10 mètres de hauteur.

L'armature des "barriletes" est formée de baguettes de roseau ou de bambou local (le cana) suivant de la taille du cerf-volant. Cette structure est préparée dans la nuit du 31 octobre. Elle est assemblée avec du chanvre ou du fil de fer d'amarrage, de façon à atteindre la forme polygonale traditionnelle. Cette activité s'appelle "Lunée du cerf-volant".

La queue, aussi appelée "Patzunga" équilibre le cerf-volant, l'empêchant de s'en aller de côté pendant qu'il s'élève dans les airs. Elle est constituée des chutes de tissu que fournissent les tailleurs de la ville et d'une grosse corde d'agave. La longueur de la "Patzunga" est fonction de la taille du cerf-volant.
 
 
CURACAO ISLAND
 
Nous étions en contact mail avec Carol Jansen depuis quelques mois car nous souhaitions participer au festival de cerfs-volants que leur association organisait à Curaçao …Mais finalement c’est Curaçao qui est venu à nous.

A Dieppe, nous rencontrons avec plaisir Carol et son équipe, et pouvons voir de près ces superbes cerfs-volants des îles sous le vent qui sont vraiment différents.

Les cerfs-volants traditionnels de Curaçao sont fabriqués avec du bois (bambou ou bâton de Satay), du papier cristal ou du plastique. Ces cerfs-volants aux couleurs très vives sont aussi conçus en 3D.

Carol a été la première à utiliser un film plastique dans la fabrication des cerfs-volants. Elle a aussi créé la Fondation Kite Curaçao, le "Fundashon di Fli Korsou", pour promouvoir le cerf-volant à Curaçao, île bénie avec des conditions météorologiques idéales et presque constantes pour le cerf-volant.
   
 
 
 
Et retrouvez d'autres informations sur La Grande Histoire du cerf-volant De 400 ans avant J.-C. à nos jours